Chapitre 1 - Collecter les chiffres
Avant de comprendre, il faut rassembler
Avant de parler d’analyse,
avant de parler de cohérence,
avant même de parler de chiffres,
il faut d’abord réussir à les rassembler.
Ce moment est rarement visible.
Il est rarement valorisé.
Et pourtant, tout commence là.
Des données qui existent… mais pas au même endroit
Les chiffres existent.
Ils sont produits.
Ils sont enregistrés.
Ils répondent à des contraintes réelles.
Mais ils vivent dans des systèmes différents.
La comptabilité.
La paie.
Les ventes.
Les banques.
Parfois des fichiers envoyés par mail.
Chaque source est légitime.
Chaque source fait exactement ce qu’on lui demande.
Mais aucune n’a été pensée pour être lue avec les autres.
Ce que la comptabilité ne porte pas
Même au cœur de la finance,
la donnée comptable ne porte pas tout.
Un FEC, par exemple.
Il est conforme.
Il est exhaustif.
Il remplit son rôle réglementaire.
Mais sur le P&L,
il n’y a ni client, ni fournisseur.
La donnée est correcte.
Mais elle est aveugle à certaines lectures.
Quand le détail devient un problème
Parfois, le détail existe.
Mais on choisit de ne pas le faire passer.
La paie en est un exemple classique.
Le détail est trop volumique.
Les enjeux de confidentialité sont réels.
On ne souhaite pas exposer les salaires en comptabilité.
Résultat :
la masse salariale est agrégée en compta,
le détail est suivi ailleurs,
souvent dans un fichier séparé.
La donnée existe.
Mais elle est volontairement éclatée.
Agréger pour tenir… et recréer ailleurs
Le même mécanisme apparaît sur les ventes.
Quand les volumes augmentent,
les écritures sont agrégées en comptabilité.
C’est rationnel.
C’est nécessaire.
Mais cette agrégation fait disparaître le détail :
par client,
par produit,
par canal.
Pour analyser les ventes,
il faut alors une autre source.
Un autre export.
Un autre fichier.
Un autre système.
La comptabilité tient.
Mais l’analyse se déporte.
Quand les formats deviennent un sujet à part entière
La collecte ne se heurte pas seulement aux sources.
Elle se heurte aux formats.
Croissance par acquisition.
Héritage de systèmes comptables différents.
Externalisation de la comptabilité à l’international.
Chaque pays.
Chaque cabinet.
Chaque logiciel.
Et avec eux :
des fichiers avec ou sans en-têtes,
des lignes vides avant la donnée,
des champs qui ne se répètent pas,
des noms de colonnes spécifiques à chaque système,
des structures en lignes ici, en colonnes ailleurs.
Rien n’est faux.
Rien n’est standard.
Mais tout est différent.
Une donnée produite pour être clôturée, pas pour être réutilisée
À mesure que l’on avance,
une impression s’installe.
Les outils comptables ne semblent pas conçus
pour que la donnée soit réellement réexploitée derrière.
Les exports existent.
Mais comme s’ils étaient pensés pour des analyses ponctuelles.
Exceptionnelles.
Comme si, après la comptabilité,
il n’y avait rien.
Ce ressenti résonne souvent avec les échanges terrain.
Des profils très ancrés dans la comptabilité
ont parfois du mal à imaginer
que la donnée comptable puisse servir à autre chose
que ce pour quoi elle a été produite.
Ce n’est pas un refus.
C’est une différence de perspective.
La collecte comme premier point de fragilité
À ce stade, rien n’est encore analysé.
Rien n’est encore normalisé.
Rien n’est encore interprété.
Mais le système est déjà fragile.
Il dépend :
d’exports manuels,
de formats hétérogènes,
de sources multiples,
de décisions implicites sur ce qui passe… et ce qui ne passe pas.
La donnée existe.
Mais elle n’est pas encore un ensemble.
Quand rassembler devient un travail en soi
La collecte n’est pas une étape technique.
C’est le moment où l’on découvre
que les chiffres n’ont jamais été pensés
pour vivre ensemble.
Chaque source optimise son propre objectif.
Et c’est parfaitement légitime.
Mais avant toute lecture financière,
avant toute cohérence,
avant toute analyse,
il faut déjà réussir à faire exister
un périmètre commun.
C’est là que le système commence.