Chapitre 2 - Normaliser les chiffres
Rendre les chiffres comparables avant de chercher à les comprendre
À ce stade, les données existent.
Elles ont été collectées.
Elles sont techniquement lisibles.
Elles sont exploitables, source par source.
Chaque entité est cohérente.
Chaque système fait ce qu’il doit faire.
Et pourtant, dès que l’on essaie de produire une lecture d’ensemble,
quelque chose bloque.
Les chiffres ne sont pas faux.
Ils ne sont simplement pas comparables.
Une donnée peut être juste sans être exploitable
La normalisation commence souvent très bas, au niveau le plus fin.
Un compte d’honoraires, par exemple.
D’un point de vue comptable, il est parfaitement correct.
Il regroupe des honoraires, et remplit sa fonction réglementaire.
Mais d’un point de vue analytique, ce même compte peut contenir :
des honoraires marketing,
des honoraires commerciaux,
des honoraires IT,
des honoraires RH,
des honoraires finance.
La donnée est juste.
Mais elle ne permet pas de lire l’activité.
Pour analyser par département,
il faut éclater ce qui a été regroupé.
Ce n’est pas une correction.
C’est une traduction.
Aligner des entités qui ne racontent pas la même chose
Le même problème apparaît rapidement entre entités légales.
Même pays.
Même cadre réglementaire.
Même monnaie.
Et pourtant :
des plans de comptes différents,
des usages différents,
des comptes qui portent des réalités différentes.
Chaque entité est cohérente prise isolément.
Mais leur addition mélange des concepts.
Additionner sans normaliser,
c’est agréger des choses qui ne parlent pas du même objet.
Il faut alors :
définir une structure cible,
établir des mappings par entité,
parfois reclasser ou dépolluer certains comptes.
Non pour corriger la comptabilité.
Mais pour rendre la lecture globale possible.
Quand il n’existe plus de langage commun
Dès que l’on dépasse un seul pays,
la question devient encore plus visible.
Les plans de comptes diffèrent.
Les nomenclatures changent.
Parfois, il n’existe même pas de structure obligatoire.
Il n’y a pas de référentiel commun naturel.
Pour lire l’ensemble,
il faut en créer un.
Une nomenclature choisie.
Un langage commun imposé.
Un cadre qui n’est parfaitement natif pour personne.
Ce cadre n’est ni vrai ni faux.
Il est nécessaire.
Normaliser le temps avant de parler de performance
La normalisation ne concerne pas seulement les structures.
Elle concerne aussi le temps.
Les contraintes réglementaires s’inscrivent majoritairement dans des horizons longs.
Année.
Semestre.
Parfois trimestre.
Le pilotage, lui, repose sur un rythme plus court.
Certaines écritures sont donc passées selon des logiques
qui ne correspondent pas au rythme de lecture attendu.
Comptablement, tout est correct.
Mais sans un cadre temporel commun,
les comparaisons deviennent instables.
Avant toute analyse de performance,
il faut donc aligner le temps.
Décider d’une unité de lecture.
Réaligner certaines écritures.
Neutraliser des effets purement calendaires.
Ce n’est pas une interprétation.
C’est une mise en compatibilité.
La normalisation comme cadre silencieux
À chaque niveau, le mécanisme est le même.
La normalisation ne cherche pas à expliquer.
Elle cherche à rendre comparable.
Elle :
aligne,
homogénéise,
simplifie.
Mais ce faisant,
elle impose un cadre commun.
Ce cadre :
précède toute analyse,
structure les comparaisons possibles,
définit le langage du pilotage.
La normalisation ne fige pas les conclusions.
Elle fige le cadre dans lequel elles pourront être formulées.
La condition invisible du pilotage
Sans normalisation :
les chiffres ne se parlent pas,
les comparaisons n’ont pas de sens,
l’analyse est impossible.
Elle est une étape nécessaire.
Rationnelle.
Indiscutable.
Mais elle pose très tôt un cadre commun,
dans lequel tout le reste devra s’inscrire.